jeudi 5 août 2010

Pourquoi limiter les tirages ?

L'art devrait en effet être accessible à tous, au moins visible par tous. Et la photographie, plus particulièrement la photographie numérique, permet en quelques clics d'obtenir des milliers de reproductions fidèles (en exagérant un peu ...). Mais la société de marché d'aujourd'hui laisse peu de place en dehors des grosses maisons d'éditions avec de gros moyens en termes d'investissements et de diffusion. Si on veut diffuser une oeuvre en grand nombre, et ainsi pouvoir la vendre moins chère, l'artiste ne fait plus de l'art, mais du marketing. C'est de toute façon déjà un peu vrai, puisque sans communication et médiatisation un artiste peine à exister, si bon soit-il. C'est vrai pour la photographie, mais aussi pour toutes les formes d'art. Quand on voit ce que les médias nous jette en pâture comme musique, et ce qu'on trouve dans les petites salles inconnues ... 

Le marché du tirage limité est donc un choix, qui peut même s'inscrire dans une démarche artistique, en cela qu'il refuse l'appartenance à une société de plus en plus tournée uniquement sur le marketing, parfois au détriment de la qualité. Cela permet également de mieux contrôler la diffusion et la qualité des tirages, tout en conservant une dimension humaine, même si alors les oeuvres tournent entre quelques expositions et galeries, et seront donc moins visibles par le grand public. C'est aussi un choix à la fois pour l'artiste que de ne pas vouloir voir ses oeuvres partout, et pour l'amateur d'art, pour qui un tirage limité aura toujours plus de valeur.

A ce sujet, une chose qui me déçoit avec certains photographes "trop" connus est de finir par voir leurs photographies partout. Au lieux de discuter autour d'oeuvres différentes, vous retrouvez les mêmes photographies aux murs de vos voisins ! A tel point qu'on n'en parle même plus, on les voit, on ne les regarde pas, et encore, comme si c'était un simple papier peint !! Ce qui est quand même dommage pour un artiste qui retourne tout son être pour partager sa vision du monde, et par essence même, matière à discuter.

A l'extrême, certains artistes photographes, comme certains peintres, vendent un seul tirage d'une photographie, en exemplaire unique. Certains vendent même ce tirage avec le négatif scotché derrière afin de garantir qu'aucun autre tirage ne sera exécuté (Plus compliqué avec le numérique !). Ce type de pratique trouve sa justification dans l'analogie à la peinture, où le peintre vend sa toile, l'originale, une seule fois. Bien que paradoxale sur plusieurs points, que je ne développerai pas ici, je comprends tout à fait cette démarche. Mais il ne faut pas non plus faire l'amalgame : une photographie en exemplaire unique aura peut-être plus de valeur marchande, mais absolument pas plus de valeur artistique. Et en terme d'authenticité, si l'art nécessitait un seul exemplaire, comme pour se justifier face aux origines de la peinture et de la sculpture, qu'en est-il des films, des livres, des recueils musicaux ? N'est-ce pas de l'art ? Le CD audio à exemplaire unique n'est pourtant pas encore né, on en serai plutôt à l'exemplaire virtuellement infini ; ce qui n'est pas une bonne chose non plus, d'ailleurs !